Share

 

Créé en Octobre 2009 sous l’impulsion de l’humoriste italien Beppe Grillo, le mouvement 5 Stelle (5 Étoiles – M5S) est devenu, sur la base de mobilisations locales (et notamment via l’organisation par les citoyens d’assemblées locales d’habitants) en de nombreux endroits du pays, une force politique capitale en Italie.

Avec pas mal d’électeurs venant du centre (centre-gauche, centre-droit), le M5S, « formation contre les partis, anti-corruption, partisane de la démocratie directe, écologiste et décroissante » (1), parvient en 2012 à se hisser en 3ème position au niveau national aux élections municipales italiennes (pour lesquelles pas moins de 2742 listes citoyennes se présentèrent dans les différentes communes du pays) -, derrière le PDL de Silvio Berlusconi et le Parti Démocrate (PD).

A Parme – où les scandales politiques, comme d’ailleurs partout en Italie, ont marqué les esprits – le candidat 5 Stelle, Federico Pizzarotti a été élu avec 60 % des voix, contre le candidat présenté par l’ensemble des forces de centre-gauche (2). A Sarego, petite commune lombarde de 6 500 habitants, le M5S a aussi remporté la mairie (coût de la campagne : 300 euros), sur un programme citoyen prévoyant transparence, pistes cyclables, éloignement des usines et surtout pas d’incinérateur.

Depuis les élections régionales de 2012 (convoquées à la suite de la mise sous enquête pour collusion avec la mafia du président du Conseil Régional – centriste – Raffaele Lombardo) le M5S est le premier parti en Sicile, avec 14,9 % des voix et 15 sièges sur 90 au Conseil Régional.

Il est aujourd’hui crédité de 15 à 20 % des intentions de vote pour les élections générales italiennes de dimanche (élection de 630 députés et 315 sénateurs), dépassant parfois le Peuple de la liberté de Berlusconi. Entreraient ainsi au Parlement des dizaines de nouveaux élus, « tous rigoureusement inconnus, néophytes et garantis 100 % honnêtes (c’est-à-dire sans casier judiciaire). (3)

Le Blog d’opinions politiques et sociales de Beppe Grillo est le plus visité en Italie (entre 150 000 et 200 000 visiteurs par jour) et se trouve parmi les 20 premiers dans le monde selon Technorati1 (4). D’une manière générale, les réseaux sociaux sur internet jouent un grand rôle (notamment par le biais de la plateforme internet Meet Up permettant d’organiser des rendez-vous/évènements).

 

L’IMPULSION BEPPE GRILLO : UN VOLCAN POLITIQUE POPULAIRE

Beppe Grillo, 64 ans, a été tour à tour acteur de théâtre, de cinéma, ou de télévision, humoriste, provocateur et agitateur d’idées. « En 1993, sa dernière apparition à la télé italienne (une retransmission de spectacle) a rassemblé 16 millions de téléspectateurs » (5). Il refuse depuis lors toute apparition télé.

« Un homme qui [a] rassemblé suffisamment de petits actionnaires [du France Télécom italien (Telecom Italia)] pour s’inviter au conseil d’administration et demander aux dirigeants de rendre leurs bonus et leurs stock-options. Un type capable de faire descendre des centaines de milliers de personnes dans la rue [condamnant un système politique et sa centaine d'élus nationaux ayant été, à un moment ou un autre, condamnée par la justice], autour d’un mot d’ordre adressé au Parlement : « Va te faire foutre ! » » (6)

Au moment de la campagne pour les municipales 2012, il est allé, dans toute l’Italie, à bord de son camping-car, à l’ancienne, de ville en ville parler de son “non–parti”, le Mouvement 5 Stelle – cinq étoiles pour cinq thèmes au centre de l’idéologie du mouvement : contre la privatisation de la distribution de l’eau, pour le transport public, le développement, Internet pour tous et l’environnement.

L’orateur du « Tsunami Tour » a ainsi débarqué en Sicile de manière très médiatique, en crawl, après 3 kilomètres de nage depuis le continent, y faisant salle comble (rassemblant par exemple plus de 10 000 habitants (sur 50 000) à Alcamo) et remplissant les places publiques de curieux et de citoyens, de droite comme de gauche, tous désabusés face à un système clientéliste à bout de souffle.

« Si je n’étais pas là, nous aurions en Italie les fascistes ou, comme en Grèce, les néonazis d’Aube dorée. » (7). « Dans une île où le taux de chômage des jeunes atteint 50%, sa proposition d’instaurer un «revenu minimum pour tous, en mettant un seuil de 4 000 euros pour les pensions de retraite» ou l’engagement de ses candidats de baisser leur rémunération de 85% (à 2 500 euros) s’ils sont élus suscitent la clameur populaire.  » Et les anciens électeurs de Berlusconi sont aussi sensibles à ses attaques contre le président du Conseil, Mario Monti, défini comme «le notaire de la faillite italienne au service de la finance internationale». Bruxelles, l’Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international, ou encore«les Français qui veulent s’emparer de notre eau publique», sont les boucs émissaires faciles d’une situation catastrophique, à laquelle Grillo oppose une recette mélangeant décroissance, économie verte et défense de la production locale.(8)

« Nous ne sommes pas l’antipolitique, nous sommes une nouvelle force politique”, a exulté Beppe Grillo sur son compte Twitter, dès l’annonce des résultats. Cette percée, selon la presse italienne, prouve que l’homme serait le grand bénéficiaire de la défiance ambiante des citoyens à l’égard de la politique – notamment à la suite des scandales financiers en série qui ont éclaboussé plusieurs partis, à commencer par la Ligue du Nord (ndrl : parti d’extrême droite). Pour le quotidien conservateur Corriere della Sera, c’est clair : “Tandis que la popularité du tribun génois s’accroît, celle de la Ligue du Nord piétine.” (9)

 

UNE ORGANISATION POLITIQUE NON PYRAMIDALE, NON-PARTISANE, UTILISANT, ET VOULANT DÉVELOPPER, LA DÉMOCRATIE DIRECTE LOCALE

« Le Mouvement 5 étoiles n’est pas facile à aborder. Son organisation non pyramidale, la diversité de ses partisans, sa revendication d’une politique saine en font un modèle mouvant, hors cadre. La presse le taxe d’anti-politique. Les Grillini préfèrent répondre eux, qu’ils sont anti-partis. Ils refusent d’ailleurs d’être taxés de parti et préfèrent être appelés « association libre de citoyens ». Nombreux sont les spécialistes politiques à les critiquer, s’inquiétant des discours de Beppe Grillo, souvent baptisé de populiste. Pourtant les résultats du scrutin de lundi ont fait réviser leur jugement à certains » (10).

A noter : « Le mouvement refuse de considérer la politique comme une profession et d’être financé par des fonds publics, une autre pierre jetée aux partis italiens, notamment la Ligue du Nord qui détournait l’argent du parti au profit de la famille Bossi et autres pontes. Mais aussi au refus des formation traditionnelle de réformer le financement des partis » (11).

Pour les municipales 2012, à travers tout le pays, ont été impulsées par les citoyens locaux des campagnes citoyennes et des assemblées locales ouvertes à tous, et des listes civiques composées de citoyens ordinaires, non-professionnels de la politique, ont ainsi été candidates dans les différentes municipalités, avec le succès que l’on connaît.

Un succès qui a justement beaucoup à voir avec l’organisation atypique du mouvement 5 Stelle, horizontal, non-hiérarchique – à l’opposé du système classique du parti politique – et avec le fait qu’il soit citoyen par essence (et par naissance!), ayant pour origine, dans chaque localité d’Italie, une mobilisation des citoyens de base visant à se ressaisir de leur pouvoir politique, par le biais notamment d’assemblées locales d’habitants, ouvertes à tous.

 

A SUIVRE, DEMAIN dans POPULACTION : L’assemblée populaire de l’Ile d’Ischia en Italie !

 

NOTES :

(1) Extrait de la page Wikipédia consacrée aux Élections générales italiennes de 2013, disponible à l’adresse

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_g%C3%A9n%C3%A9rales_italiennes_de_2013

(2) Extrait de la page Wikipédia consacrée au Mouvement 5 Étoiles, disponible à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_5_%C3%A9toiles

(3) Extrait de l’article « Et Beppe Griloo montait, montait… » publié le 5 février 2013 sur Campagne d’Italie, le Blog de Philippe Ridet, correspondant du Monde en Italie, blog du Monde, disponible à l’adresse suivante:

http://italie.blog.lemonde.fr/2013/02/05/et-beppe-grillo-montait-montait/

(4) Extrait de la page Wikipédia consacrée à Beppe Grillo, et disponible à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Beppe_Grillo

(5) Extrait de l’excellente présentation et interview (« Beppe Grillo : « Sarkozy est plus dangereux que Berlusconi ») de Beppe Grillo faite par Augustin Scalbert du site Rue89 et publiée le 7 février 2010, disponible à l’adresse

http://www.rue89.com/entretien/2010/02/07/beppe-grillo-sarkozy-est-plus-dangereux-que-berlusconi-137264

(6) Ibid.

(7) Extrait du très intéressant article/reportage de Éric Jozsef pour le quotidien Libération, et publié sur leur site le 25 octobre 2012, «  »Beppe », sirène populiste en Sicile », disponible à l’adresse

http://www.liberation.fr/monde/2012/10/25/beppe-sirene-populiste-en-sicile_856004

(8) Ibid.

(9) Extrait de l’article publié le 10 mai 2012 sur le site de l’hebdomadaire Courrier International, « Réseaux sociaux – Beppe Grillo : le comique ne fait plus rire », disponible à l’adresse

http://www.courrierinternational.com/article/2012/05/10/beppe-grillo-le-comique-ne-fait-plus-rire

(10) Extrait de l’article de Flora Zanichelli « Beppe Grillo, le comique qui fait la peau des vieux partis » publié le 10/05/12 sur son Blog Storitalia, blog du site Rue 89, disponible à l’adresse

http://blogs.rue89.com/storitalia/2012/05/10/beppe-grillo-le-comique-qui-fait-la-peau-des-vieux-partis-227455

(11) Ibid.

(12) Extrait de l’article « Beppe Grillo porté par la vague eurosceptique » initialement publié dans le quotidien italien La Stampa (édition Turin), traduit par Florence Boulin et publié le 8 juin 2012 sur le site Presseurop, disponible à l’adresse

http://www.presseurop.eu/fr/content/article/2140401-beppe-grillo-porte-par-la-vague-eurosceptique