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Ce qui, pour nous Français, surprend le plus dans les témoignages des participants aux assemblées locales dans les villes espagnoles en 2011 est leur caractère transgénérationnel : jeunes, moins jeunes, vieux, tout le monde participe aux assemblées. Cette diversité n’a d’égale que la diversité socio-professionnelle des participants (jeunes diplômés au chômage, petits commerçants, ménagères, retraités, professeurs, avocats…). Une des clés du succès du mouvement du 15-M en Espagne (mouvement des Indignés) se situe en effet dans l’attention extrême portée par les participants aux modes de discussion et de prise de décision utilisés dans les assemblées locales, de manière à ce que chacun puisse réellement :

1) s’exprimer

2) se sentir auteur à part entière des décisions de l’assemblée


Cet article est un compte-rendu de témoignages directs et de trois articles très très intéressants sur le sujet :

- Eva Botella-Ordinas, « La démocratie directe de la Puerta del Sol », La Vie des idées, 24 mai 2011. ISSN : 2105-3030. A consulter sur : http://www.laviedesidees.fr/La-democratie-directe-de-la-Puerta.html et précédé de Chronique d’un mouvement horizontal, par Juan Luis SIMAL, autre historien de l’Université Autonome de Madrid.

- Un autre regard: les indignés espagnols vu de l’intérieur, par Yaneke, publié le 5 juin 2011 sur Indymedia et disponible à l’adresse : http://bxl.indymedia.org/articles/1915

 

 

(REN)NAISSANCE DES ASSEMBLÉES LOCALES D’HABITANTS DANS LES VILLES ESPAGNOLES EN 2011… LE MOUVEMENT DU 15-M !


Le dimanche précédent les élections du 22 mai 2011 ont lieu, suite à l’appel lancé par une plateforme indépendante récemment créée, Democracia Real Ya (Démocratie Réelle Maintenant), d’importantes manifestations dans plusieurs villes d’Espagne, au cri de « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiciens et des banquiers ».

A Madrid, après la manifestation, des jeunes décident de rester sur la Puerta del Sol… le lendemain, la police les déloge de manière autoritaire ; apprenant cela par le biais de facebook ou twitter notamment, un nombre plus important de madrilènes se concentre le 17 mai sur la Puerta del Sol et, comme dans de nombreuses autres villes espagnoles au même moment, y mets en place un campement, une acampada.

« Aussi bien à [la Puerta del Sol] que sur les autres places du pays, de nombreuses assemblées sont réunies, dans lesquelles la parole est donnée à tous » (1) et les décisions sont prises par consensus.

 

LES ASSEMBLÉES LOCALES D’HABITANTS : CONVIVIALITÉ, PAROLE à TOUS et PRISE DE DÉCISION PAR CONSENSUS


Artisans, petits commerçants, chômeurs, retraités… tous touchés par la crise, les participants aux assemblées locales, « dans leur grande majorité, ne sont pas des militants ou des activistes, mais des citoyens ordinaires » (2). Tout fonctionne à travers une méthode « assembléaire de consensus », un mode de fonctionnement ouvert et inclusif qui attire les passants et les habitants – qui se mettent volontiers à participer aux assemblées :

« Il y a une véritable effervescence collective due au sentiment de trouver prise sur sa vie et sa société, au sentiment de se sentir faire partie d’un mouvement étendu et synchronisé dans tant de villes et avec des références à l’échelle internationale. » (3)

Certaines de ces assemblées réunissent près de 3000 personnes… Pour Eva Borella, historienne des idées politiques à l’Université Autonome de Madrid, ces assemblées sont un « modèle d’assemblées locales » : « On y discute de ce qui a préalablement été adopté comme ordre du jour par les commissions [elles aussi ouvertes à tous] (…), on prend des tours d’intervention auprès des modérateurs (il existe tout un protocole pour la modération), et l’on donne la parole aux citoyens. Toutes les opinions sont entendues, notées par le modérateur (…). Lorsqu’un thème paraît épuisé, on demande s’il existe un consensus sur ce dernier. Si aucune voix contre ne s’élève, il est approuvé par l’assemblée, recueilli dans les actes et l’on décide quand et où aura lieu la prochaine assemblée. » En cas de désaccord par contre, même de seulement quelques personnes au sein de l’assemblée, la proposition est rediscutée et, au besoin, confiée à un groupe de travail (eux aussi ouverts à tous) pour essayer de modifier la proposition de telle manière qu’elle puisse recueillir le consentement de tous les participants.

 

ENTRE 20 000 et 30 000 PARTICIPANTS AUX 120 ASSEMBLÉES DE QUARTIER à MADRID le 28 mai 2011 !


Le choix de ces modes de discussion et de prise de décision – crucial pour toute assemblée – a notamment été influencé par les pratiques et savoirs-faire des mouvements sociaux existants, et plus particulièrement par ceux des Centres Sociaux Autogérés (CSA), qui sont nombreux en Espagne. Le mouvement du 15-M est ainsi porteur d’une maturité politique certaine, qui s’est illustrée également par l’instauration de rotations fréquentes pour exercer les différentes responsabilités (porte-parole, animateur d’assemblée…), pour d’éviter toute personnification du mouvement.

Une maturité politique et un esprit collectif qui expliquent le succès du mouvement du 15-M en Espagne :

« [L]e 28 mai à 12h, le mouvement madrilène avait convoqué des assemblées populaires locales dans tous les quartiers et villages de Madrid. Au total, plus de 120 réunions ont eu lieu dans toute la ville et ses alentours, ce qui dépassait largement les prévisions. Les estimations du nombre de participants à ces assemblées varient entre 20.000 et 30.000 personnes, c’est-à-dire plusieurs dizaines de milliers de personnes, des citoyens de toutes les générations, des commerçants du coin, qui ont pendant plusieurs heures discuté de leurs indignations collectives et de la suite de la mobilisation… » (4)

 

NOTES :

(1) : « Chronique d’un mouvement horizontal », par Juan Luis SIMAL : voir http://www.laviedesidees.fr/La-democratie-directe-de-la-Puerta.html

(2) : « Un autre regard: les indignés espagnols vu de l’intérieur’, par Yaneke, publié le 5 juin 2011 sur Indymedia et disponible à l’adresse : http://bxl.indymedia.org/articles/1915

(3) : ibid

(4) : ibid