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Comme nous l’avons vu sur Populaction dans un précédent articleles Espagnols ont une longue tradition politique de démocratie d’assemblées locales, ouvertes à tous, pour décider des affaires communes ; des pratiques démocratiques collectives qui ont connu une véritable renaissance en 2011 avec les assemblées d’habitants dans les nombreuses villes espagnoles, au retentissement mondial. Plus discrète, car notamment cantonnée à la vie catalane, aux Baléares (Majorque, Minorque…) et à la Province de Valence, l’action de la CUP (Candidature d’Unité PopulaireCandidatura d’Unitat Popular) va pourtant dans le même sens.

 

La CUP est une organisation politique catalane assembléariste (adjectif utilisé en Espagne, et récemment par les assemblées d’habitants du mouvement du 15-M, soulignant le caractère crucial conféré au fonctionnement et à la prise de décision démocratiques, en assemblée d’habitants : voir par exemple le guide pratique de l’assembléarisme élaboré par l’assemblée de Murcie). Composée de diverses assemblées locales représentant des villes ou des territoires de langue catalane, c’est un mouvement politique indépendantiste, anticapitaliste et municipaliste au succès croissant qui, fidèle à son credo municipaliste, ne présentait de candidats, jusqu’à l’année dernière et les élections autonomes de Catalogne (lors desquelles elle a obtenu 3 sièges au parlement régional), qu’aux seules élections municipales.

 

Conçue comme un outil d’auto-organisation, elle met en avant – et pratique -, un modèle de « politique par le bas », qui s’appuie fortement sur les mouvements de base et les tissus associatifs et sociaux locaux… Ce qui explique qu’entre les élections municipales de 2003 et celles de 2011, la CUP soit passée de 22 sièges de conseillers municipaux (obtenus dans la cadre d’alliances) à plus d’une centaine (obtenus à 90 % sur les listes autonomes) et qu’elle ait obtenu la majorité dans 4 municipalités : Arenys de Munt (8000 habitants), Navás (6000 habitants), Viladamat (village de 450 habitants) et Celrá (5000 habitants).

 

La CUP, une organisation politique originale : municipaliste, assembléariste, écologiste et indépendantiste

 

Dès les premières élections municipales après la mort du dictateur Franco, en 1979, différents candidats et listes critiques par rapport au cours que la transition démocratique prend se rassemblent et adoptent ce nom de Candidatura d’Unitat Popular, le terme d’«unité populaire» faisant référence à l’alliance de de la gauche chilienne, dont Salvador Allende était à la tête, qui impulsa un mouvement de transformation socialiste et gouverna jusqu’au coup d’état de Pinochet. Au cours de la décennie 80 ils vont approfondir les coordinations entre eux et se rapprocher des postures indépendantistes.

 

Le 14 décembre 1986, se créé autour notamment de membres du Mouvement de Défense de la Terre et de divers collectifs locaux l’Assemblée Municipale de la Gauche Indépendantiste (AMEI – Assemblea Municipal de l’Esquerra Independentista), avec en ligne de mire les élections municipales de juin 1987 ; viendront se greffer nombre de membres et sympathisants du Mouvement Nationaliste de Gauche (MEN), proche de l’écologie politique… Dès 1987, la CUP se déclare officiellement comme parti politique ; en plusieurs localités catalanes des candidats se présenteront sous son étiquette aux élections municipales de 1987 et de 1991 : à Arbucias, la liste sera élue et réélue jusqu’en 2003.

 

La CUP fera partie du Processus de Vinaroz visant à unir les indépendantistes catalans de gauche, ce qui lui donne un nouvel élan. Réunissant ainsi actuellement la branche municipaliste de la gauche indépendantiste catalane, la CUP rassemble des gens de sensibilité différentes au sein de la gauche indépendantiste, avec notamment de nombreuses personnes liées aux « Casals » – centres sociaux autogérés (centros okupados notamment) et autres athénées indépendantistes en Catalogne, dans les Iles Baléares et dans la Communauté de Valence -, des collectifs de dimension locale ainsi que des organisations de la gauche indépendantiste comme Endavant, le MDT, ou l’organisation de jeunes Arran – organisation « socialiste et féministe » créée en 2008 par la réunion de plusieurs mouvements et d’assemblées de jeunes indépendantistes de Valence et de Terrassa en Catalogne notamment, et qui fonctionne en assemblées et de manière démocratique (elle compte de nombreuses assemblées dans la province de Valence, dans les Iles Baléares et en Catalogne).

 

Le succès des municipales de 2011 : de quoi s’inspirer en France ?

 

La CUP a pour objectif, « en partant du niveau municipal, la construction des pays catalans (Países catalanes) indépendants, socialistes, écologiquement soutenables, territorialement équilibrés et anti-patriarcaux » (1). Elle œuvre pour l’approfondissement de la démocratie participative, une meilleure égalité sociale et de genre, des politiques de développement soutenable et la promotion du tissu associatif.

 

En prévision des élections municipales de 2011, un programme minimal commun avait été adopté par l’assemblée nationale de la CUP. La CUP a réussi à fédérer, nous explique Richard Neuville dans l’article A Viladamat, le « municipalisme » s’expérimente !, de nombreux mouvements sociaux, des participants au 15-M, des collectifs de paysans (tel Pagesos per la Dignitat Rural Catalana), des membres des mouvements Okupas (Occupation de logements et de terres), des centres sociaux autogérés, et à mobiliser jeunes et abstentionnistes, passant ainsi de 22 à 101 conseillers municipaux et parvenant à obtenir 4 mairies : trois petites villes, Arenys de Munt (8000 habitants), Navás (6000 habitants) et Celrá (5000 habitants), et un village, Viladamat.

 

Ainsi, dans la commune de Viladamat (450 habitants), raconte Richard Neuville, la liste CUP a obtenu la majorité absolue aux élections en 2011 et c’est désormais une équipe nouvelle, de jeunes (de 28 à 35 ans), qui se trouve au conseil municipal. Elle s’est efforcée, depuis son élection, d’instaurer un processus de participation et de consultation populaires pour les investissements de la commune, et de développer la participation des citoyens aux prises de décision : « [l]es commissions municipales ouvertes à toutes et tous permettent d’élaborer des propositions qui sont ensuite débattues en assemblées populaires au niveau du village. En l’absence de consensus, un référendum est organisé » (2).

 

Une réalité à suivre, comme sont à suivre l’évolution de cet outil politique atypique qu’est la CUP et les évolutions dans ces villes où ses listes citoyennes ont été élues. Comme le conclut Richard Neuville dans son article, « [à] un an des élections municipales en France, l’exemple de Viladamat pourrait inspirer et faire des émules tant il devient urgent de sortir du régime de démocratie représentative de plus en plus technocratique qui éloigne le citoyen de la décision et d’inventer une articulation avec la  démocratie directe » (3).

 

NOTES :

 

(1) : Citation tiré du document de la CUP La CUP, l’alternativa necessària du 11 janvier 2009, citée sur la page wikipédia en espagnol consacré à la CUP : http://es.wikipedia.org/wiki/Candidatura_d%27Unitat_Popular.

 

(2) : Richard Neuville, A Viladamat, le « municipalisme » s’expérimente ! : article publié le 18 mars 2013 sur le site internet Alter Autogestion, disponible ici : http://alterautogestion.blogspot.fr/2013/03/a-viladamat-le-municipalisme.html

 

(3) : Ibid.