Share

 

« En résumé, le municipalisme libertaire veut revitaliser les possibilités démocratiques latentes dans les gouvernements locaux existants et les transformer en démocratie directe. Son but est de décentraliser ces communautés politiques de sorte qu’elles soient à échelle humaine et adaptées à leur environnement naturel. » (1)

 

Murray Bookchin (1921-2006) est malheureusement très peu connu en France. Il est né a grandi dans le New York des années 1920 et 1930, celui de la grande crise, des mobilisations et manifestations socialistes énormes, un New York qui était encore humain, où le commun des mortels était très engagé politiquement, avec une vraie vie de quartier, de village même; des quartiers où les habitants se connaissaient, s’entraidaient et se réunissaient pour discuter des affaires communes et des positions à adopter : une vie « normale » pour l’époque.

 

ITINÉRAIRE POLITIQUE : A LA RECHERCHE DE L’HUMAIN ET DE LA LIBERTÉ

 

Pendant son adolescence, il se tourna vers le trotskisme, puis perdit peu à peu ses illusions à cause de la coercition qu’il jugeait inhérente au marxisme-léninisme. Il est devenu rapidement connu pour la facilité avec laquelle il envoyait des critiques dévastatrices au marxisme en utilisant la langue marxiste elle-même. Il est un des fondateurs de l’écologie sociale. 

Bookchin est toujours resté un anti-capitaliste radical et un défenseur de la décentralisation de la société. Il a consacré sa vie à « chercher les moyens de remplacer par une société plus éclairée et rationnelle l’actuelle société capitaliste qui réduit la majorité de l’humanité à un état lamentable et empoisonne la Nature ». (2)

 

LES FORMES DE LA LIBERTÉ : L’ASSEMBLÉE DES HABITANTS COMME POUVOIR POLITIQUE SUPRÊME

 

Un élément essentiel de son projet a été d’identifier les « formes de liberté » révolutionnaires (voir la vidéo ci-contre!) qui donnent à l’idée de liberté une substance organisationnelle. En discutant avec les anciens et en étudiant l’histoire, surtout européenne et américaine, il découvre qu’on retrouve à travers les âges et les continents une pratique politique récurrente et synonyme d’émancipation sociale : l’Assemblée municipale des citoyens comme pouvoir suprême politique.

Bookchin montre qu’un autre monde est possible, que le politique ne se réduit pas à la politique politicienne, mais qu’il est au contraire la discussion face à face entre tous les habitants d’un village/ville/quartier de ville, au sein d’assemblées se réunissant régulièrement et prenant les décisions en commun sur les affaires de la cité : ce sont aux citoyens eux-même, sur un territoire, de décider, ensemble, du présent et du futur qu’ils veulent construire ensemble. Bien sûr, cette possibilité est des nos jours indissociable de la recréation de lien social nécessaire en maintes endroits de notre pays : les deux vont ensemble !

« Bookchin n’est pas l’ennemi des institutions en tant que telles. La liberté conçue en termes purement personnels et qui ne s’incarne pas dans des institutions, soutient-il, sombre dans le narcissisme. Une société qui nourrit à la fois la liberté individuelle et la liberté sociale doit reposer fermement sur des institutions elles-mêmes libératrices. Elle doit fournir la structure qui permettra aux citoyens de diriger collectivement leurs propres affaires. La question n’est donc pas de savoir si une société doit avoir des institutions, mais bien lesquelles. »(3)

 

DÉMOCRATIES DIRECTES LOCALES, CONFÉDÉRALISME… DU CONCRET POUR LE CHANGEMENT !

 

« En résumé, le municipalisme libertaire veut revitaliser les possibilités démocratiques latentes dans les gouvernements locaux existants et les transformer en démocratie directe. Son but est de décentraliser ces communautés politiques de sorte qu’elles soient à échelle humaine et adaptées à leur environnement naturel. Son objectif est de restaurer les pratiques et les qualités de la citoyenneté de sorte que les femmes et les hommes puissent collectivement prendre la responsabilité de la conduite de leurs propres communautés, selon une morale du partage et de la coopération, plutôt que de dépendance envers les élites » (4). Lorsqu’on aura créé des démocraties, les municipalités démocratisées pourront être reliées dans des confédérations capables de gérer de vastes territoires. De tels États ont existé dans l’histoire, la possibilité n’a rien d’utopique.

L’intérêt de l’engagement de Bookchin et du municipalisme libertaire est qu’il n’a rien de théorique. Il est au contraire extrêmement pratique, et dans le Vermont, autour de Bookchin et de bien d’autres, des mouvements citoyens ont essayé de reprendre ainsi un peu leur vie en main. En de nombreux endroits du monde, (pas besoin d’avoir entendu parler de Bookchin pour ça!) des citoyens essaient, réussissent parfois, à faire revivre cette tradition humaine de prise de décision commune à échelle humaine, afin de pouvoir reprendre leur vie entre leurs mains. Et les écrits de Bookchin peuvent nous être d’une grande aide dans ce chemin…

 

NOTES :

 

(1) : Avant-propos à l’ouvrage de Janet Biehl (avec la collaboration de Murray Bookchin), Le municipalisme libertaire, Editions Ecosociété, 1998, Montréal, Québec, p. 21.

(2) : ibid, p. 19

(3) : ibid, p. 21

(4) : ibid, p. 21